
About me

Marine Nouvel brouille les frontières entre les êtres vivants, les matières, les corps et les différentes représentations de la féminité et de l’hybridation qu’elle utilise ou qu’elle détourne. Chacun de ses médiums, la sculpture, la performance, la vidéo et l’installation, tous poreux entre eux, deviennent hôtes de ses récits.
Nos sens sont convoqués par des images fortes. Les pièces de Marine Nouvel peuvent sembler accueillantes, parfois sensuelles ou dérangeantes, le plus souvent très sensibles. Nous regardons avec lenteur les couleurs se mélanger, les corps s’entremêler, la terre en décomposition, les chairs roses et molles, les champignons qui poussent, les fluides qui brillent dans un passé ancien ou un futur proche. Tous ces morcellements sont comme des vestiges mouvants, entre le vivant et l’artificiel. Ce sont des souvenirs, des rêves ou des hypothèses visqueuses, portant sur le sentiment de sexualisation.
Être une femme dans l’espace public c’est risquer de se sentir visqueuse pendant longtemps. Être une femme hors de chez soi c’est offrir son corps à la vue de tous. Être une femme dehors c’est tenter de se raccrocher à quelque chose, comme le gui. Cette plante dite parasite qui se nourrit de la sève d’un arbre hôte pour grandir et dont l’étymologie est la même que le terme visqueux, de viscum. Son travail s’ancre dans des courants écoféministes intersectionnels qui considèrent que ce sont les mêmes mécanismes de violence et de domination qui détruisent la nature et oppressent les femmes et personnes minorisées. Dans ses pièces, tous les éléments sont au même plan et ne cessent de se transformer, du vivant végétal, des reproductions de chair et de corps en cire, en résine ou en terre, des humaines et des paysages. Parfois, ses installations rappellent des environnements marins ou terrestres, mais toujours, des écosystèmes qui évoluent en symbiose. Marine cherche à réenchanter la viscosité, à se réapproprier ce qui lui a été volé, à sortir de ce qui est anthropomorphisé, à aller vers le glaire ou le magma, vers tout ce qui est gluant.
Si Marine encourage à se pencher sur la redéfinition de ce qui nous révulse comme ce qui nous attire, elle invite surtout à considérer ses œuvres sous divers points de vue. Pour sortir de la honte, l’artiste crée des décors par strates, et nous, spectateur.ices, nous les pénétrons. Ils deviennent à la fois pleins et creux, ils habitent autant qu’ils abritent. Par la déambulation de nos corps et avec du recul, des paysages s’installent. En se rapprochant, les pièces se dévoilent. Par la mise en scène et la lumière, très fortement inspirée par différents genres cinématographiques allant du cinéma Lynchéen à celui de Ari Aster en passant par la science-fiction ou le Magicien d’Oz, Marine Nouvel déconstruit les présupposés de la « nature » en construisant des espaces de narration, sans frontières, qui se transforment eux aussi.
Texte écrit par Alexiane Trapp